Elections Européennes. Résultats et analyse.
Ce que l’on retiendra avant tout de ces élections européennes du 25 mars, c’est l’énorme poussée du Front National, qui arrive en tête un peu partout en France, dans notre département et aussi malheureusement à Marseillan.
Les explications sont nombreuses et ont déjà été livrées en long et en large par les media :
Peur d’une Europe jugée trop technocratique et perçue comme seulement là pour édicter des normes pour emmerder le monde,
Interventionnisme de l’Europe sur des aspects budgétaires et financiers, donneuse de leçon (les fameux « 3% de déficit ») et qui s’immisce dans la gestion nationale des Etats membres pour les contraindre à des coupes sévères et réclamant la fin des modèles sociaux,
Au contraire, aucune intervention en matière d’uniformisation progressive des salaires, de SMIC Européens, de « dumping social », de bases fiscales identiques,
Peur de la perte de souveraineté et derrière cela, le « déclin » annoncé de la France en tant que Nation, absorbée par une Europe dont on ne connait pas le visage,
Peur de l’autre et de l’envahissement, d’une « Europe passoire » ouverte aux quatre vents par les accords de libre circulation.
La liste pourrait être encore plus longue, basée sur des faits réels ou fantasmés. Car combien de nos concitoyens sont capables d’avoir une idée précise du fonctionnement des institutions européennes ? Combien sont capables de citer ne serait-ce que 3 ou 4 réalisations de l’Europe ?
Nous ne disons pas cela parce que nous considérons que les électeurs sont des imbéciles, mais clairement parce que le déficit d’information au sujet de l’Europe est patent, et que le travail d’explication n’a pas été fait correctement.
Et quand on ne connaît pas quelque chose, forcément on se méfie. Et la méfiance conduit au mieux à l’indifférence, au pire à un rejet.
C’est ce qui s’est passé avec le vote Front National, aggravé par le comportement des media qui ont condensé le débat entre d’un côté ceux qui acceptent l’Europe, en mettant tous les partis politiques dans le même sac, des Euro-critiques du Front de Gauche jusqu’aux Européens convaincus d’Europe Ecologie et de l’UDI, face au seul parti qui réclame contre toute logique la sortie de l’Europe, le Front National.
L’extrême-droite a ainsi bénéficié d’une tribune formidable, et ce comportement des media a alimenté le discours du Front National qui se complait dans son rôle imaginaire de victime du système.
Pour en revenir au local, Marseillan n’échappe pas à la règle avec un Front National à 39,5%.
Lors des dernières municipales, le Front National Marseillanais n’avait pas été en mesure de présenter une liste. Faut-il pour autant considérer que si l’extrême droite avait réussi à trouver 29 noms, il aurait balayé les candidats Michel, Méric et Grosso ?
Prenons le cas de Florensac : aux municipales du 23 mars, Vincent Gaudy (PS) est réélu maire au 1er tour avec plus de 56% des voix, face à une liste (entre autres) du FN qui totalise « seulement » 17% des voix.
2 mois plus tard, le 25 mai, le PS n’atteint pas les 18% et le FN est à 36%.
Est-ce qu’en deux mois les électeurs de Florensac ont radicalement changé, au point de basculer du PS vers le FN ? Bien sûr que non !
Les électeurs ont répondu différemment à deux questions différentes :
- La première était (toujours dans le cas de Florensac) : « Etes-vous satisfait de Vincent Gaudy et voulez-vous le garder comme maire ? » la réponse à été « oui » à 56%.
- La seconde était : « Etes-vous satisfait de l’Europe et comprenez-vous bien les enjeux de cette élection du 25 mai ? » La réponse a été « Non, on vote FN » à 36%.
Ainsi vouloir lier les élections européennes avec toute autre élection et en tirer des conclusions serait un non-sens. Mais ça ne doit pas nous empêcher de nous poser les bonnes questions sur le résultat du vote de dimanche …
Ainsi, pour analyser le scrutin des européennes de 2014, le plus logique est de le comparer au scrutin des dernières européennes, celles de 2009 ….
Revenons à Marseillan. Les voici :
EUROPEENNES 2009 |
EUROPEENNES 2014 |
|||||
Inscrits : 5597 |
Inscrits : 6648 |
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Votants : 2245 |
Votants : 3091 |
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Exprimés : 2136 |
Exprimés : 2987 |
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Taux d'abstention : 62,56% |
Taux d'abstention : 53,5% |
|||||
|
VOIX |
% |
|
VOIX |
% |
|
FN |
200 |
9,36 |
FN |
1180 |
39,5 |
|
UMP |
683 |
31,98 |
UMP |
587 |
19,65 |
|
PS |
311 |
14,56 |
PS |
318 |
10,65 |
|
EELV |
237 |
11,1 |
EELV |
255 |
8,54 |
|
FdG |
195 |
9,13 |
FdG |
192 |
6,43 |
|
UDI |
103 |
4,82 |
UDI |
126 |
4,22 |
En pourcentages, le FN voit son score multiplié par 4, l’UMP presque divisé par 2, le PS perd 4 points, Europe Ecologie et le Front de Gauche (FdG) 2,5 points.
En nombre de voix, le résultat n’est pas le même : autant d’électeurs ont voté pour les listes de gauche, à quelques voix près : 318 contre 311 pour le PS, 255 contre 237 pour les écologistes, 192 contre 195 pour le Front de Gauche comparativement à 2009.
L’UMP perd par contre 100 voix (587 contre 683) et le Front National en gagne 980.
Pourquoi cette différence entre le calcul par pourcentages et le nombre de voix ?
Tout simplement parce que davantage d’électeurs se sont exprimés : 851 pour être exact. Et que cette mobilisation a bénéficié au Front National. En clair, des électeurs qui n’avaient pas l’habitude de se déplacer pour voter aux européennes, car indifférents dans notre cas en 2009, ont voulu cette fois-ci manifester leur hostilité à l’Europe telle qu’elle est perçue chez nous.
Pour résumer : grosse mobilisation de l’électorat frontiste, conjugué à une faible mobilisation de l’électorat traditionnel des autres partis, voilà les vrais raisons du succès du FN de dimanche dernier.
A l’arrivée, le pourcentage du FN à 39,5% est exceptionnel, mais ce pourcentage est à minorer au regard du taux de participation. Le Front National avait réalisé 27% lors des présidentielles 2012, mais avec 1347 voix sur Marseillan, soit 170 voix de plus !
L’abstention creuse le lit du FN et grossit son score. Mais pour que l’abstention baisse, il est du devoir de tous les partis et du gouvernement de faire comprendre de manière simple et concrète les enjeux des élections à faible participation, comme celle des européennes, et qu’on ne se limite pas à en parler une fois tous les 5 ans, le temps d’une campagne. Les gens ne se mobilisent que pour un événement auquel ils ont envie de participer et dans lequel ils comprennent leur place. C’est aussi simple que cela.